A vingt-cinq ans, grave et modeste,
Elle perdit son seul amour;
A vingt-cinq ans, seule elle reste,
Seule elle restera toujours.
Elle restera sur la terre
Comme une ombre car, pour son cœur,
Le printemps n’a plus de mystère
Et l’été n’a plus de couleur;
Le firmament n’est plus qu’un lustre
Dont tous les astres sont éteints…
Fille d’un astrologue illustre,
Elle sait même le latin;
Mais le latin ne peut pas faire
Rentrer le bonheur au bercail…
Et, d’un cœur qui se désespère,
Elle se consacre au travail.
Sa force d’écrire est extrême;
Le monde entier passe au travers;
Elle écrit jusqu’à des poèmes
Qui ont six mille cinq cents vers.
On trouve tout dans ces ouvrages:
Ce qui reste et ce qui changea…
On trouve même, au gré des pages,
Des vers hermétiques, — déjà!
Mais elle a su, pâle et fervente,
— Usant d’un étrange parfum —
Tresser des guirlandes vivantes
Autour de son amour défunt…
N’ayant peut-être rien à craindre
Puisqu’elle n’avait plus d’amour,
Elle a su, sans jamais se plaindre,
Se désespérer chaque jour…
Et quand, n’ayant plus rien à dire,
Son cœur muet battit moins fort,
C’est avec un dernier sourire
Qu’un soir elle accueillit la mort!
Rosemonde Gérard (1866-1953)