En France, quelques contemporains composèrent, entre 1801 et 1809, des œuvres importantes. Mme de Staël (1766-1817), dans Delphine (1802), long roman par lettres, mit une partie d’elle-même et exposa ses idées sur le rôle de la femme dans la société mondaine; Corinne ou l’Italie (1807), qui fit longtemps sa plus grande gloire, est surtout remarquable par ce que la belle improvisatrice garde du tempérament passionné et enthousiaste de l’auteur, par les idées nombreuses qu’on y discute, par les types nationaux que cet ancêtre des romans cosmopolites peint avec finesse.
François-René de Chateaubriand (1768-1848) conquit la renommée avec Atala (1801), simple nouvelle indienne qui avait eu des aînées, où le voyageur évoquait pour la première fois, avec une richesse de coloris qui fut une révélation, ses souvenirs d’Amérique. René (1802), court récit pathétique et orageux où revivaient ses passions et ses impressions de jeunesse, exerça une grande influence sur les romantiques français et quelques étrangers; il vit toujours par la passion trouble, les évocations émouvantes, la magie du style.
Le mal du siècle et le vague des passions trouvaient une expression moins fastueuse, mais sincère et désespérée, dans Obermann (1804) d’Étienne Pivert de Senancour (1770-1846), rêveur original et isolé; c’est le journal d’une âme mélancolique et troublée, pleine d’aspirations vagues, qui cherche la paix en s’isolant dans la nature forestière ou alpestre; livre vide d’action, mais émouvant dans sa sobriété et riche en résonances profondes dans la sensibilité moderne.
Benjamin Constant (1767-1830), intelligence subtile, esprit compliqué et inquiet, cœur inconstant, qui à une culture cosmopolite joignait une rare finesse d’analyse, fit Adolphe (1817, écrit en 1809) avec des épisodes à peine romancés de sa vie sentimentale; chef-d’œuvre classique de ton et de tour, romantique de sentiments, qui n’a pas vieilli.
Le Hongrois József Eötvös (1813-1871) donna dans Le Chartreux (1839-1841) une étude morale qui s’inspire de René, d’Obermann et d’Adolphe, et qui montre le perfectionnement progressif d’une âme d’homme.
Alfred de Musset (1810-1857), dans Confession d’un enfant du siècle (1836), évoqua d’une plume vibrante et passionnée les souvenirs tendres ou amers du grand amour qui avait bouleversé sa vie.
Mademoiselle de Maupin (1836), de Théophile Gautier (1811-1872), est un roman de vie sensuelle, et surtout le rêve poétique d’un artiste épris du beau sous toutes ses formes.