Benjamin Constant de Rebecque, publiciste et littérateur français, né en 1767, à Lausanne; membre du Conseil des Cinq-Cents; député, sous la seconde restauration; appelé par Louis-Philippe à la présidence du Conseil d’État, mort en 1830.
Ayant quitté de très bonne heure sa ville natale, il promena en divers pays, en France, en Angleterre et en Allemagne, une adolescence inquiète et déjà blasée. On peut dire qu’il eut une jeunesse toute fanée et sans ardeur. Ce qui dominait en lui, déjà, c’était un esprit de moquerie fine et impitoyable. Rien n’échappait aux traits de son ironie. Il abondait en propos piquants et familiers, fuyant la solitude, toujours en scène dans le monde et dans les salons. Cependant, il était nourri d’études sérieuses, il ne lui fallait qu’une heureuse rencontre pour le relever et lui faire prendre goût à la vie grave et utile. Mme de Staël, qu’il rencontra à Coppet, et qu’il vit dans l’intimité, eut sur lui cette heureuse influence. À partir de cette liaison, il semble devenir un autre homme. Il tourne son esprit vers l’étude des théories constitutionnelles et politiques. Les États-Unis d’Amérique, les institutions de l’Angleterre avaient longtemps occupé ses méditations. La Révolution française exalta ses idées et lui fit concevoir l’espérance d’une application immédiate des principes qui avaient éveillé ses premiers instincts. Par sa parole dans les assemblées, par ses écrits, il a contribué à répandre des vérités ou théories constitutionnelles, qui avaient alors tout leur prix. Il avait dans la tête une idée dominante: c’est que la société moderne ne peut être satisfaite en son mouvement de révolution avant d’avoir appliqué en toute matière les principes de la liberté. Les faiblesses de sa vie politique et ses inconséquences personnelles n’ont pu détruire en lui cette pensée et il s’en est fait partout le fidèle organe.
La postérité n’oublie pas qu’il a laissé d’importants travaux d’histoire religieuse (De la religion considérée dans sa source, ses formes et ses développements, 1824-31; Du Polythéisme romain, 1833) et qu’il fut l’auteur d’un roman célèbre: Adolphe (1816), le pendant de Corinne. Ce roman représente à peu près les mêmes sentiments de malaise et d’amertume dont peut se remplir le cœur d’un homme supérieur à ce qui l’entoure. Il est de plus l’image de B.C., dans son adolescence déjà dissipée et sans fraîcheur, dans sa jeunesse tourmentée et presque flétrie. Son style élégant, rapide et fin, donne à l’auteur une place parmi nos meilleurs écrivains.