L’époque victorienne – Autres écrivains

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Par contraste avec les peintres de la vie intime et domestique, Benjamin Disraeli (1804-1881), dont les nombreux romans parurent de 1827 à 1880 (Vivian Grey, Coningsby, Henrietta Temple, Endymion), et Edward Bulwer-Lytton (1803-1873), dont l’œuvre variée et abondante s’étend de 1828 à 1871 (Pelham, Eugène Aram, Ernest Maltravers, Les Caxton), tous deux hommes du grand monde et hommes politiques, ont surtout représenté des scènes historiques, politiques ou empruntées à la haute société, avec variété, éclat, esprit, mais sans rien approfondir, et avec plus de brillant que de solidité.

George Meredith (1828-1909) fit admirer dès L’Épreuve de Richard Feverel (1859) l’art consommé de ses analyses morales; puis vinrent Emilia en Angleterre (intitulé plus tard Sandra Belloni), Les Comédiens tragiques, Un de nos conquérants, etc. (1861-1895), parmi lesquels deux chefs-d’œuvre, L’Égoïste et Diane à la croisée des chemins (1879, 1885). Il peint surtout la société aristocratique; il dessine des portraits d’hommes d’une vérité profonde, de jeunes filles d’un charme séduisant. Il a pratiqué Molière, et réfléchi profondément sur le tragique et le comique de la vie. Son style, très personnel et étudié, est savoureux quand il n’est pas trop difficile.

Vers la fin de cette période paraissent des œuvres plus hardies, où se marque une réaction contre les conventions morales et sociales de l’époque victorienne. George Gissing (1857-1903) se débattit sa vie durant contre la pauvreté; ses nombreux romans sont le plus souvent des tragédies où le talent et la vertu sont aux prises avec la misère (Démos, Thyrza, Les Bas-fonds, Né dans l’exil, 1880-1898). Disciple de Dickens, il est plus exact, plus sobre, et beaucoup plus pessimiste, son réalisme s’exprime avec plus d’art.

Mme Humphry Ward (1851-1920), talent viril et grave, obtint un succès profond avec Robert Elsmere (1888), drame psychologique et religieux de la foi et du doute.

L’Américain Henry James (1843-1916), qui vécut surtout en Angleterre, étudia Flaubert et Tourguéniev, et voulut à leur exemple faire du roman une œuvre d’art. Dans ses longues nouvelles, Daisy Miller, La Muse tragique, etc. (1874-1890), et ses nombreux romans, Roderick Hudson, Les Dépouilles de Poynton, Les Ailes de la colombe, Les Ambassadeurs, etc. (1875-1903), d’abord il fait contraster les Américains et les Anglais, puis il se cantonne dans la peinture de la société anglaise d’un certain niveau. Son horizon est limité; spectateur impassible, il explore les mobiles des actions, et cette analyse va s’approfondissant au cours de sa carrière; il fait une place à l’humour, et ses romans sont bien construits.

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Le roman au 19e siècle – Europe – Amérique



British Library digitised image from page 7 of "Eugene Aram ... Copyright edition"

British Library digitised image from page 131 of "Eugene Aram ... Copyright edition"

The Private Papers of Henry Ryecroft, by George Gissing

The Ordeal of Richard Feverel, by George Meredith

The Egoist, by George Meredith

The Ambassadors, by Henry James

The Europeans, by Henry James

The Marriages and Other Stories, by Henry James

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Le roman exotique et d’aventures – Melville – Stevenson

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C’est à des Anglo-Saxons qu’est dû le renouveau de ces récits qui dépaysent et font rêver. L’Américain Herman Melville (1819-1891), matelot, déserteur, aventurier, qui vécut dans les îles du Pacifique, se fit le romancier de l’Océanie et le poète des mers infinies (Typee, Omoo, Moby Dick 1846-1851). Il mêle avec beaucoup de talent le réel et le fantastique; il se fait psychologue pour descendre au fond des instincts primitifs.

Robert Louis Stevenson (1850-1894) vécut longtemps en France; son art dut beaucoup aux maîtres français. Il conta avec esprit ses voyages en canot ou à pied dans la France du Nord et du Centre, puis donna des contes et romans d’aventures, parfois maritimes, parfois fantastiques (L’Île au trésor, Le Docteur Jekyll et M. Hyde, La Flèche noire, etc., 1882-1888). Son talent de conteur est de premier ordre; son style, savamment étudié et simple à force de travail, est une œuvre d’art où l’art s’aperçoit. Mais Stevenson malgré ses voyages avait peu connu la vie d’aventures.

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Le roman au 19e siècle – Europe – Amérique



Le roman historique réaliste – Romans psychologiques

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Parfois le roman historique n’est qu’un roman psychologique dont le cadre explique les sentiments en jeu. Ainsi Nathaniel Hawthorne (1804-1864), Américain de Boston, qui enveloppe souvent d’un nimbe fantastique ou effrayant l’évocation des vieilles demeures et des vieux usages, prit généralement pour domaine la Nouvelle-Angleterre du XVIIe siècle (La Lettre écarlate, La Maison aux sept pignons, Le Roman de Blithedale, 1850-1852; Le Faune de marbre, 1860). Il aime à pénétrer le secret des âmes, et surtout, peut-être par tradition puritaine, à y montrer les ravages du péché.

Le Cloître et le Foyer (1867) de Charles Reade (1814-1884) est une étude précise et forte, placée en Angleterre à la fin du moyen âge.

Le Zurichois Conrad Ferdinand Meyer (1825-1898), l’un des meilleurs écrivains de la Suisse allemande, fit revivre, avec un sens psychologique très sûr, des épisodes du passé dans Jürg Jenatsch, roman des Grisons, Le Saint sur Thomas Becket (1874, 1880), et d’autres. Son art est discret, expressif et pathétique; il a, dit-il, choisi ce mode d’expression pour pouvoir, sous une forme objective et artistique, être lui-même, individuel et subjectif.

De même Hermann Sudermann (1857-1928) dans Le Chemin des Chats (1889), dont l’action se place en Prusse au temps de Napoléon.

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Le roman au 19e siècle – Europe – Amérique



Le roman merveilleux

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Le roman merveilleux

Le roman mystérieux reparaissait avec Charles Nodier (1780-1844), précurseur et patron du romantisme français encore hésitant, esprit curieux pus que grand écrivain, ouvert à toutes sortes d’influences traditionnelles ou étrangères. Imitateur de Werther, des romans terrifiants, des contes merveilleux, il donna de charmantes nouvelles, et ses romans étranges et fantastiques ont été très lus (Smarra, Trilby, 1821, 1822).

Chamisso (1781-1838), écrivain allemand de descendance française, rendit son Pierre Schlemihl (1814), l’homme qui a perdu son ombre, célèbre dans le monde entier.

Hoffmann (1776-1822), de Königsberg, fut peintre, musicien, écrivain, toujours artiste, nerveux, rêveur et presque halluciné. Les Tableaux de fantaisie, les Élixirs du Diable, Le Chat Murr (1814-1822) mêlaient aux rêves la caricature, des types déformés, le merveilleux et le fantastique. Traduits et arrangés en français sous le nom de Contes d’Hoffmann (1829-1833), ils obtinrent un énorme succès, et inspirèrent souvent les romantiques de divers pays.

Edgar Allan Poe (1809-1849) fut, pour le grand public, avant tout un conteur: Gordon Pym et surtout Contes grotesques et arabesques (1838, 1840) jouirent d’une popularité immense et durable, surtout en France grâce à l’excellente traduction de Baudelaire (Histoires extraordinaires, 1856-1865). Récits policiers, histoires fantastiques d’âmes réincarnées, aventures à fond scientifique, confessions d’assassins et autres, Poe excelle à narrer le mystérieux et l’effrayant avec une logique froide et lucide.

C’est un merveilleux tout différent que respirent les contes du Danois Andersen (1805-1875), le plus universellement populaire des écrivains scandinaves. Il écrivit des poésies, des drames, des comédies, des romans de valeur (L’Improvisateur, Rien qu’un musicien, 1835, 1837), et commença en 1835 à publier ses Contes, qui parurent par livraisons pendant quarante ans. Empruntés à la mythologie du Nord, aux légendes populaires, ils offrent un merveilleux poétique et mélancolique, une tendre émotion, des peintures gaies et satiriques, un profond sentiment du mystère des forces naturelles. Ces contes ont été traduits dans toutes les langues. Innombrables sont les enfants qu’ils ont fait rêver et les hommes qu’ils ont charmés.

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Le roman au 19e siècle – Europe – Amérique



Le roman d’aventures

Le roman d’aventures

Certains auteurs satisfaisaient d’une manière différente le désir de s’évader de la réalité quotidienne. Les découvertes géographiques, les inventions scientifiques leur ouvraient une ample carrière; et l’aventure, le merveilleux séduisaient l’esprit romantique. L’initiateur du roman d’aventures fut James Fenimore Cooper (1789-1851), de New York. Dès L’Espion (1821) il voulut être le Walter Scott de l’Amérique; avec Le Pilote (1823) il créa le roman maritime; celui de la prairie ou savane et de la forêt vierge avec Les Pionniers, Le dernier des Mohicans, La Prairie (1823-1827) et ceux qui complétaient le cycle des romans de Bas-de-Cuir, personnage original qui devint populaire. Ce monde sauvage et nouveau jouit longtemps en Europe d’un immense succès; le sentier de la guerre et le calumet de la paix devinrent expressions courantes. Les imitateurs qui se pressèrent sur les traces de Cooper lui restèrent très inférieurs.

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Le roman au 19e siècle – Europe – Amérique