Le théâtre au 16e siècle

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Le théâtre au 16e siècle
commedia
Au début du XVIème siècle, la France sort d’une longue période de tradition, les humanistes « découvrent » et traduisent les chefs-d’œuvre littéraires antiques grecs et latins, les esprits cultivés s’ouvrent aux influences étrangères. Les gentilshommes partis guerroyer en Italie en reviennent férus d’italianisme ; les artistes français, en imitant leurs voisins, remontent jusqu’aux modèles de l’Antiquité. C’est la Renaissance.

Le théâtre n’échappe pas à ce renouveau général. Mais ce que nous appelons aujourd’hui « théâtre » recouvrait au XVIème siècle des formes de spectacle très diverses, qui n’avaient en commun que ces éléments fondamentaux : des acteurs qui jouent, un public qui regarde et écoute. Pour tout le reste (pièces, langage, décors, costumes, mise en scène, qualité du public et des acteurs, etc.), on hésiterait presque à grouper des genres si différents sous la même appellation. En gros, l’amateur de spectacle, à cette époque, avait le choix entre deux sortes de divertissements : la première, populaire, conservait les traditions du Moyen Age ; la seconde, plus raffinées suivait l’exemple italien dans l’imitation de l’Antiquité.

Les formes héritées du moyen âge

À Paris, on ne trouvait pas de troupe permanente de comédiens. Il existait cependant trois sociétés d’acteurs, que l’on pourrait appeler « semi-professionnels »: les Confrères de la Passion, la Basoche et les Enfants sans souci.

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Les Mystères
Les Confrères de la Passion eurent dans la capitale, pendant tout le début du XVIème siècle, le monopole des représentations des mystères. Ces spectacles, traditionnels en France depuis des siècles, représentaient des épisodes religieux, tirés soit de la vie du Christ, soit de l’Ancien Testament. Les pièces, écrites le plus souvent en vers, étaient généralement très longues et pouvaient durer plusieurs heures. La scène, immense, était aménagée en différents compartiments, abritant chacun un décor: ainsi, les acteurs se déplaçaient simplement de l’un à l’autre, à mesure que l’action avançait. Au Moyen Age, ces représentations avaient souvent lieu en plein air — sur le parvis de Notre-Dame, par exemple. Mais, au XVIème siècle, les Confrères de la Passion, qui formaient une troupe régulière, préférèrent jouer dans une salle. Le mystère perdit alors un peu son caractère de fête populaire, pour se rapprocher davantage du théâtre tel que nous le concevons aujourd’hui; le spectacle était plus recueilli, la mise en scène plus soignée, l’on pouvait réaliser des effets de machinerie. Cependant, le mystère restait un genre populaire: joué par des acteurs amateurs qui pouvaient être des maçons ou des menuisiers, il s’adressait au peuple de Paris.

Vers le milieu du XVIème siècle, le goût du public changea peu à peu et les spectateurs désertèrent les représentations des Confrères de la Passion. Ceux-ci se mirent alors à y ajouter des scènes burlesques appelées « Jeux de pois pilés », petites pièces comiques reposant surtout sur la mimique des acteurs et les jeux de mots. Cela leur apporta un renouveau de popularité, mais, en même temps, la méfiance et l’hostilité des autorités religieuses. En 1540, les Confrères achetèrent et aménagèrent une salle sur le terrain de l’hôtel de Bourgogne (le théâtre qu’ils y créèrent garda ce nom et fut, au XVIIème siècle, l’un des plus fameux de Paris). Ils demandèrent au Parlement le privilège d’y continuer leurs spectacles, ce qui leur fut accordé, mais à condition de ne jouer « que des sujets profanes, licites et honnêtes, avec défense d’y représenter aucun mystère de la Passion, ni autre mystère sacré ».

Le genre avait donc vécu. Les Confrères se mirent à jouer des pièces profanes à sujets tirés de l’Antiquité (la Destruction de Troyes), de l’histoire de France (le Siège d’Orléans), ou de la tradition romanesque du Moyen Age (Huon de Bordeaux).

La Basoche
Parmi les « clercs du Palais » (c’est-à-dire, à peu près, les étudiants en droit), joyeux et turbulents, existait une société d’acteurs, appelée la Basoche. Traditionnelle depuis le Moyen Age, elle avait son organisation et était dirigée par un roi. Elle ne se produisait, en principe, que trois fois par an: la scène était dressée dans un lieu public, sur un pont, sur une place ou même, pendant un certain temps, sur la table de marbre monumentale de la grande salle du palais de Justice. Les Basochiens jouaient des moralités, petites pièces mi-sérieuses, mi-comiques, sortes de fables mises en scène, et aussi des procès comiques et des farces. Ils ne craignaient pas de faire des allusions transparentes aux grands personnages de l’époque et à leurs aventures privées. Mais ce genre traditionnel et irrévérencieux ne subsista pas longtemps au XVIème siècle. François Ier le supprima.

Les Enfants sans souci
Les sotties (ou soties) (de sot, fou, en ancien français), étaient un autre genre traditionnel. Les Enfants sans souci constituaient une société dont les membres se nommaient par dérision les Sots, et à laquelle appartenaient de grands poètes comme Marot. Elle était dirigée par le Prince des sots et la Mère sotte.

Les sotties étaient des pièces bouffonnes. Les acteurs portaient des déguisements burlesques, et disaient un texte qui était un fatras de jeux de mots, de coqs-à-l’âne, d’inventions folles, auxquels se mêlaient de temps en temps des traits de satire très hardie concernant le roi, la cour, l’Église ou d’autres puissances du jour. Ces spectacles animés et bariolés, où alternaient les acrobaties, la musique et le dialogue, feraient penser, de nos jours, au music-hall, aux chansonniers et à Guignol. Les tréteaux étaient dressés en plein air, dans le quartier des Halles, où fourmillait le peuple des petits marchands prompts à s’esclaffer et à saisir au vol les allusions à l’actualité.

Ces genres, hérités du Moyen Age, restèrent très vivaces sous la Renaissance mais se transformèrent peu à peu. Ils disparurent dans leur forme traditionnelle, mais on en retrouvera des traces bien nettes au XVIIème siècle. Certaines comédies de Molière ne sont pas sans rappeler les farces, les moralités et les sotties.

Le théâtre nouveau

Cependant, les érudits du XVIème siècle, épris de lettres antiques, les grands seigneurs, la cour élégante étaient désireux d’imiter le raffinement des Italiens. Dans la société des nobles et des lettrés qu’ils protégeaient, allait se développer un théâtre nouveau.

La source principale fut l’Antiquité. On commença par traduire des pièces grecques et latines. On composa même en latin. La tragédie et la comédie inspirées des Anciens revinrent en honneur. Enfin, un genre nouveau arriva d’Italie: la pastorale.

La tragédie
Composée en latin et, par la suite, en français, la tragédie « à l’antique » ne fut, au début, qu’un exercice d’école. Elle naquit dans les collèges, parmi les érudits et les humanistes. Mais, bientôt, le goût des belles-lettres se répandit dans la haute société, et de petits cercles d’amateurs montèrent et jouèrent quelques-unes de ces œuvres nouvelles. En avril 1556, à l’occasion de fêtes données au château de Blois, la reine Catherine de Médicis décida d’organiser une représentation. La pièce choisie fut Sophonisbe, de l’auteur italien Trissino. Le sujet, tiré de l’histoire antique, évoque la lutte entre Rome et Carthage. A la demande de la reine, le poète Saint-Gelais traduisit la pièce en français. La représentation eut lieu dans une cour du château de Blois: les acteurs étaient Marie Stuart, reine d’Écosse, les princesses Élisabeth et Claude de France, le comte de La Rochefoucauld, etc. On avait monté à grands frais des décors « à l’antique ». Quant aux costumes, somptueux, faits de toile d’argent, de velours, de damas, ils étaient bien caractéristiques de la façon dont on « accommodait » l’histoire à cette époque, et ressemblaient fort à des habits de la cour du roi Henri II. Cependant, pour sauvegarder quelque couleur locale, les personnages carthaginois portaient des chapeaux « à la turque » et des turbans.


Robert GarnierDes auteurs français (Robert Garnier, Jodelle, Montchrestien) ont également illustré le genre. L’action était lente. Les tirades, souvent fort longues, ressemblaient à des discours pleins de rhétorique. Mais, déjà, avec la division en actes, le perfectionnement de l’alexandrin, le choix des sujets tirés de l’histoire antique, de la mythologie, de la Bible, la tragédie du XVIème siècle ouvrait la voie aux grands maîtres du siècle suivant, Corneille et Racine.

Les autres genres
La comédie s’inspira également des modèles antiques: les Grecs Aristophane et Ménandre, et surtout les Latins Plaute et Térence. Les débuts furent moins heureux que ceux de la tragédie. Les auteurs, par dédain pour les genres traditionnels comme la farce ou la sotie, s’éloignaient du vrai comique. Ce n’est qu’au XVIIème siècle que la comédie est devenue un genre populaire et vivant.

La pastorale enfin est, et restera au XVIIème siècle, un genre en honneur dans la haute société : les personnages sont des bergers et des bergères vivant dans un monde poétique, dans une campagne conventionnelle ; ils portent des noms tirés de la mythologie, et s’entretiennent de leurs affaires de cœur dans un langage subtil et raffiné. Ce genre influera beaucoup, au début du siècle suivant, sur l’important mouvement littéraire qu’on appellera la Préciosité.

Salles de théâtre et troupes
Il existait, au XVIème siècle, peu de « salles de théâtre », au sens où nous l’entendons aujourd’hui. A Paris, la seule troupe d’amateurs qui en possédât une était celle des Confrères de la Passion. Les autres se produisaient en plein air, sur des tréteaux. Les tragédies, comédies et pastorales, jouées devant un public choisi, étaient montées dans la grande salle ou la cour d’un château. Pourtant, les moyens mis en œuvre, même pour une seule représentation, étaient importants et ingénieux. On simulait le bruit du tonnerre, comme on le fait encore aujourd’hui, en frappant sur des tôles, ou en roulant de grosses pierres sur les planchers de bois. Des effets de lumière étaient obtenus grâce à des verres de couleur disposés devant les lampes. Des trappes, aménagées dans la scène, permettaient de faire surgir des personnages qui semblaient sortir de terre, tandis que des « machines » de cordes et de poulies les faisaient « s’envoler » dans les airs.

Peu à peu, et d’abord en province, apparurent des salles régulières. Des témoignages de l’époque nous apprennent qu’il existait, notamment à Meaux, un théâtre comportant trois galeries pour les spectateurs, et une scène munie d’une machinerie.

Les premières troupes organisées se formèrent également en province, et non à Paris. Sans doute, la diversité et le nombre des sociétés d’amateurs de la capitale suffisaient-ils à satisfaire le goût des Parisiens. Par contre, les petites villes, où n’existaient pas de semblables traditions, étaient obligées de faire appel à des comédiens de passage. Un Confrère de la Passion, un Enfant sans souci, pouvaient exercer une profession en dehors de leurs activités théâtrales. En province, au contraire, les acteurs devaient se déplacer de ville en ville, ce qui ne leur permettait de pratiquer aucun autre métier. Ils devinrent donc des « professionnels », et se constituèrent en troupes de plus en plus nombreuses. Celles-ci n’étaient pas spécialisées dans un seul genre, comme les sociétés parisiennes. Lorsqu’elles passaient dans le château de quelque seigneur épris de belles lettres, il leur fallait jouer une tragédie ou une comédie à l’antique. Par contre, si elles dressaient leurs tréteaux sur la place d’une petite ville, elles devaient représenter, pour satisfaire les bonnes gens, une farce ou une moralité. Elles possédaient ainsi de véritables répertoires. Chaque acteur avait son emploi et chaque troupe promenait avec elle son auteur, chargé d’écrire de nouvelles pièces. On comprend donc pourquoi le théâtre devint, en province, un véritable métier.

Si l’on se place du point de vue littéraire, la Renaissance nous a laissé relativement peu de pièces de valeur. Mais, durant ce siècle riche et bouillonnant, naquirent les principaux éléments du théâtre moderne: choix des sujets, construction des pièces, mise en scène, apparition des troupes de comédiens. Les spectacles populaires hérités du Moyen Age et les genres nouveaux inspirés de l’Italie et de l’Antiquité se fondirent et s’enrichirent mutuellement, pour aboutir aux trésors de la tragédie et de la comédie classiques du XVIIème siècle.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Théâtre à la Renaissance de Maïeuta en français (auteurs)

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    En 1552, Jodelle donne sa comédie, Eugène, et sa tragédie, Cléopâtre. Une nouvelle formule de théâtre va s’élaborer.

    Cette formule, préparée par les érudits, par des pièces traduites de l’Antiquité, par le Plutus de Ronsard, premier essai dramatique non conforme à la poétique du moyen-âge (1549), porte surtout sur la tragédie. On y veut respecter les règles découvertes et commentées par l’humanisme ; et pendant trente ans l’influence de Jodelle se fera sentir. Malgré des essais de réconciliation entre le mystère et la tragédie, c’est la tragédie qui l’emportera. Néanmoins la réforme hésite (Montchrétien, Pierre Larivey) jusqu’au seuil du XVIIe siècle où, avec Alexandre Hardy qui refond le moule de ses prédécesseurs, le théâtre moderne, en son essence, voit luire enfin une aurore digne de son importance, mais où le peuple n’allait plus avoir sa part.

    Quant à la comédie, malgré l’apparente rupture, il y aura continuation de l’esprit gaulois, et Clédat a pu écrire que Molière était le descendant direct de l’auteur de Pathelin. Entre ces deux noms, il faut placer Jodelle et son Eugène, Grévin, Rémy Belleau, Larivey, Odet de Turnèbe, etc, auteurs de pièces qui tiennent beaucoup de la farce et auxquelles s’ajoutent des tragi-comédies comme la Bradamante de Garnier, des drames irréguliers comme la bizarre Peste de la Peste de Du Monin, des Pastorales (Théophile de Viau et Racan y brilleront bientôt) et enfin l’effort du grand Corneille, créant la bonne comédie avec Mélite, La Place Royale, La Veuve, L’Illusion comique et surtout un peu plus tard, Le Menteur.

    Entre Corneille et Molière : Rotrou, Saint-Sorlin, Scarron (créateur du Jodelet et du don Japhet, deux types restés célèbres), Thomas Corneille (L’Amour à la Mode, La Devineresse). Vers 1660 un génie enfin se leva: Molière.

    Revenons à la tragédie. Dégagée des chœurs, des monologues, de la rhétorique, du «senequisme» – grâce au fécond Hardy, elle s’élance vers la beauté classique. L’unité d’action, la seule qui compte, est observée enfin, la psychologie serrée de plus près, la tenue littéraire voulue. Vers 1630, quand mourut ce génie trop longtemps méconnu, qui écrivait vite et mal, mais regénérait toute une littérature par le fond, le théâtre classique pouvait naître.

    Par Théophile de Viau et Racan, par Desmarets de Saint-Sorlin et Jean de Schelandre, par Jean de Mairet surtout, dont la Silvanire est la dernière pastorale (1629), et Sophonisbe (1634) la première tragédie régulière, nous arrivons à la date fameuse: 1636, où éclate le Cid.

    Source

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