03. 1945 – 1960


Le 20e siècle (3) – 1945-1960 – Les courants littéraires se multiplient.

3.0.1. Quelques dates:

1945 Conférénce de Yalta / Hiroshima / Nuremberg
1946 4ième République en France
1947 plan Marshall / Kominform
1948 assassinat de Gandhi / l’état d’Israël
1949 O.T.A.N. / République populaire chinoise (Mao-Tsé-Toung)
1950 guerre de Corée
1951 chasse aux sorcières (Mc Carthy) aux Etats-Unis
1953 mort de Staline
1954 les troupes françaises sont battues par les Vietminh à Dien-Bien-Phu / début de la guerre d’Algérie
1956 20ième congrès du Parti Communiste soviétique / Krouthchev commence la déstalinisation / insurrection hongroise
1957 Traité de Rome: la C.E.E. (Communauté Economique Européenne) / Spoutnik I
1958 5ième République en France / De Gaulle président / Jean XXIII pape
1960 indépendance du Congo belge

3.0.2. Dans la littérature qui est « consommée » par le grand public, il y a très peu de renouvellements. La littérature dite difficile se caractérise plutôt par l’éclectisme (on choisit dans les courants du passé ce qui est jugé bon, et on laisse tomber le reste) que par la création. Seuls le « nouveau roman » et le « nouveau théâtre » ont fait table rase, mais ils n’ont été appréciés que par une « élite » intellectuelle très restreinte.

3.1. Certaines tendances persistent.

On retrouve des thèmes ou des influences plus directes du surréalisme.

Julien GRACQ, Le rivage des Syrtes (51)
André PIEYRE DE MANDIARGUES, La marge (67)
Jacques PREVERT, Paroles (poésie) (45)
Boris VIAN, L’écume des jours (47)
Henri MICHAUX, Nouvelles de l’étranger (52).

L’engagement politique d’extrême-droite n’est plus accepté après la guerre. Ce sont maintenant les auteurs de gauche et/ou ceux qui ont participé à la Résistance, qui jouissent de la faveur du public (André MALRAUX, Roger VAILLAND, VERCORS, Louis ARAGON, Paul ELUARD, Romain GARY, Antoine de SAINT-EXUPERY, etc. …)

L’anticolonialisme donne naissance à une poésie noire, marquée aussi bien par le surréalisme que par les tendances classiques. (Aimé CESAIRE, Leopold SEDAR SENGHOR)

La majorité des écrivains veulent en premier lieu « bien raconter ». Ils utilisent les techniques traditionnelles du réalisme, et produisent ainsi des textes, souvent de qualité supérieure.

Jean GIONO, Le hussard sur le toit (51)
Marguerite YOURCENAR, Mémoires d’Hadrien (51), L’oeuvre au noir (68)
Hervé BAZIN, Vipère au poing (48).

Ces années voient aussi l’essor du roman féministe, qui traite la position de la femme dans une société masculine hiérarchisée, sa condition dans le couple, son rapport avec la maternité, l’érotisme.

Françoise MALLET-JORIS, Le rempart des béguines (51)
Françoise SAGAN, Bonjour Tristesse (54)
Christiane ROCHEFORT, Le repos du guerrier (58).

3.2. L’existentialisme.

Ce mouvement introduit peu d’innovations dans le style littéraire. Son apport est de nature philosophique.

On juge un homme sur ses actes, et non sur ses idées. En effet, c’est l’existence qu’il faut étudier. Il est inutile de chercher le sens, l’essence de la vie. L’existence n’a pas de signification métaphysique ou religieuse: elle est absurde. Le monde est irrationnel. L’homme solitaire essaie de le comprendre, mais n’y arrive pas. Les gens qui veulent à tout prix attribuer un fond religieux ou philosophique à la vie sont lâches ou de mauvaise foi. Ce sont les « salauds » de Jean-Paul SARTRE, qui d’ailleurs finira lui aussi par avoir des sympathies politiques, marxistes en occurence.

Jean-Paul SARTRE, La nausée (38), L’être et le néant (essai)(1943), Huis Clos (la pièce de théâtre qui contient la réplique célèbre: « L’enfer, c’est les autres »).

La compagne de SARTRE, Simone DE BEAUVOIR, s’engage dans la réflexion sur l’identité et la liberté de la femme.

Simone DE BEAUVOIR, Le deuxième sexe (essai) (49).

Albert CAMUS est un humaniste moderne: son existentialisme est moins « extrémiste » que celui de Sartre. Dans un premier temps, il se concentre sur la description de l’absurdité.

Albert CAMUS, L’Etranger (roman), Le mythe de Sisyphe (essai), Caligula (théâtre), Le malentendu (théâtre).

Mais il découvre que l’homme peut dépasser cette absurdité originelle par la solidarité: même si la vie n’a pas de sens, l’homme doit aider ceux qui souffrent.

Albert CAMUS, La Peste (roman), L’homme révolté (essai), Les Justes (théâtre).

3.3. Vers une nouvelle forme.

3.3.1. Le « Nouveau Theâtre ».

Le Surréalisme nous avait habitués à l’incohérence du subconscient. L’Existentialisme avait souligné l’absurdité évidente de l’existence. Le théâtre va, lui aussi, remettre en question tout ce qu’il montrait traditionnellement aux spectateurs.

Dans le théâtre traditionnel (romantique, bourgeois ou réaliste), les acteurs représentaient un personnage bien défini, il y avait un contenu rectiligne et une morale solide. Le théâtre existentialiste utilisait encore cette forme traditionnelle, avec déjà des innovations. Et bien qu’il propageât sa morale révolutionnaire de l’absurdité, il y avait le fait qu’il présentait encore une morale!

Le « nouveau théâtre » présente des formes tout à fait nouvelles, et en même temps on constate l’absence de tout contenu explicite ou logique. Des formes nouvelles ont produit un contenu nouveau!

On peut signaler des « précurseurs » du « nouveau théâtre »: Alfred JARRY, Michel DE GHELDERODE, Antonin ARTAUD.

A partir de ± 1950 se présentent divers auteurs, qui ne forment pas une école, mais qui ont des préoccupations en commun: Eugène IONESCO, Samuel BECKETT, Arthur ADAMOV, Jean GENET, Fernando ARRABAL, René DE OBALDIA, Jean TARDIEU, François BILLETDOUX, Jacques AUDIBERTI.

Par quels traits le « nouveau théâtre » se distingue-t-il?

1. L’identification entre l’acteur et son personnage disparaît.
On voit clairement qu’on « joue » de la comédie, tout d’ailleurs comme on joue un rôle dans la vie réelle, mais là on fait souvent comme si on ne voyait pas…

2. La relation entre les mots et leur signification change, et est parfois absente. Ainsi, dans la vie réelle, nous mentons, ou nous écoutons par exemple le discours politique ou publicitaire, tout en prétendant que nous ne le croyons pas…

3. Le geste devient plus important que la parole.
Le théâtre est plutôt pantomime que littérature. Le geste, d’ailleurs, peut exprimer beaucoup plus, et autre chose, il est plus associatif que la parole. Comme dans le théâtre du Moyen Age, comme dans la Commedia dell’Arte, le naturalisme, le réalisme psychologique disparaît, et on retourne à la magie du geste, de la poésie, du rêve…

4. Les objets deviennent (au moins) aussi importants que les personnages. (p.ex. dans la pièce Les Chaises de Ionesco)

5. Les héros disparaissent.
Les personnages n’ont plus de psychologie propre, et ils peuvent souvent être substitués l’un à l’autre. Ils ne constituent plus de représentation réaliste, mais une projection des rêves, des phantasmes de l’auteur. D’où l’importance des masques, des travestis.

6. Il n’y a plus d’évolution psychologique.
Les personnages n’ont plus de personnalité. Ils ne peuvent donc pas s’opposer dans un conflit « logique ». L’homme devient imprévisible, comme dans la réalité…

7. Il n’y a plus d’histoire, plus de morale.
Finie la belle subdivision en exposition, noeud, dénouement! Les mêmes événements se répètent. Les pièces ont souvent une « structure » circulaire (p.ex. En attendant Godot, La Cantatrice chauve), et si elles présentent déjà un problème, celui-ci n’est pas résolu…

8. Le tragique et le comique sont mélangés.
En effet, le tragique suppose un héros, qui a disparu. Comment supporter d’ailleurs l’absurdité dans la vie, le mal dans les hommes, si ce n’est par le rire, la parodie, la satire, l’humour?

Eugène IONESCO, La Cantatrice chauve (50), La leçon (51), Les chaises (52), Amédée ou comment s’en débarasser? (54), Tueur sans gages (56), Rhinocéros (60), Le Roi se meurt (62), Jeux de massacre (70), Macbett (72), Ce formidable bordel! (73)

Samuel BECKETT, Murphy (47), Molloy (51), Malone meurt (52), En attendant Godot (53), Fin de partie (57), Oh les beaux jours! (63)

Jean GENET, Notre-Dame des Fleurs (44), Querelle de Brest, Les Bonnes (47), Les Nègres.

Michel DE GHELDERODE, Escurial (30).

3.3.2. Le « Nouveau Roman ».

Certains écrivains réagissent contre le roman réaliste et psychologique en vogue depuis le 19ième siècle. Ils essaient de faire disparaître le personnage traditionnel et d’abolir l’intrigue « vraisemblable ». Il n’y a plus d’analyse psychologique, plus de peinture sociale. Par contre, la description des objets est privilégiée.

Ces préoccupations rassemblent un certain nombre d’auteurs, qui relèvent du reste de tendances assez divergentes. Ils ne forment donc pas du tout un « groupe » dans le sens strict, et encore moins une « école littéraire » dans le sens traditionnel.

Nathalie SARRAUTE, Tropismes (39), L’ère du soupçon (essai) (56)
Alain ROBBE-GRILLET, Les Gommes (53), Pour un nouveau roman (essai) (63)
Michel BUTOR, La modification (57)
Marguerite DURAS, Moderato Cantabile (58), Hiroshima mon amour (scénario) (60)
Claude SIMON, La route des Flandres (60)

3.4. Extension de la culture de masse.

Le disque devient de plus en plus populaire. Tandis que le grand public lit des journaux comme France-Soir ou Le Parisien, ceux qui ont étudié préfèrent Le Figaro ou Le Monde.

L’américanisation envahit le roman (les policiers, la science-fiction), le cinéma (les superproductions) et la musique (le rock), mais néanmoins une production bien française continue à exister (Chansons d’Yves MONTAND, de Georges BRASSENS, de Jacques PREVERT; romans de Georges SIMENON sur le commissaire Maigret).

Les grands succès populaires se retrouvent dans la presse du coeur et les bandes dessinées (Spirou (46); Gaston Lagaffe (57), Lucky Luke (46), et dans les années ’60: Astérix !).



Publicité