Le tigre est plus à craindre que le lion: celui-ci souvent oublie qu’il est roi, c’est-à-dire le plus fort de tous les animaux; marchant d’un pas tranquille, il n’attaque jamais l’homme, à moins qu’il ne soit provoqué; il ne précipite ses pas, il ne court, il ne chasse que quand la faim le presse. Le tigre, au contraire, quoique rassasié de chair, semble toujours être altéré de sang; sa fureur n’a d’autres intervalles que ceux du temps qu’il lui faut pour dresser des embûches; il saisit et déchire une nouvelle proie avec la même rage qu’il vient d’exercer, et non pas d’assouvir, en déchirant la première; il désole le pays qu’il habite; il ne craint ni l’aspect ni les armes de l’homme; il égorge, il dévaste les troupeaux d’animaux domestiques, met à mort toutes les bêtes sauvages, attaque les petits éléphants, les jeunes rhinocéros, et quelquefois même ose braver le lion.
Buffon