Les quatre héros du roman personnel d’analyse dans le (pré)romantisme: Werther, René, Obermann, Adolphe.
Voici comment Vinet rapproche ces quatre « héros ». Traits communs: paresse de cœur, qui est une des plus profondes racines du mal moral; absence de foi dans le vrai, dans le beau, ou dans le bien. Cette paresse de cœur peut d’ailleurs se joindre à une grande activité physique et intellectuelle.

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Werther n’est « qu’un Saint-Preux allemand et bourgeois, amoureux d’une Julie à peu près irréprochable ». Cause de son suicide: Charlotte répond à son amour et ne peut lui appartenir. Pourquoi Werther n’est plus aujourd’hui dangereux: « on se tue bien encore, mais on ne se tue plus par amour », ce qui ne prouve pas que nous valions mieux « depuis que l’amour ne dispose plus de notre vie ». Werther est d’une vérité parfaite, mais un peu commune: « caractère simple, âme bonne », il inspire de la pitié, non du respect. Il a beaucoup de raison; c’est lui qui déclare: « Si nous avions le cœur ouvert à jouir du bien que chaque jour nous apporte, nous serions par là même en état de supporter notre mal à mesure qu’il nous est envoyé. » Mais il n’a pas assez de force pour suivre sa raison; voilà sa maladie.

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Adolphe, « un des livres les plus spirituels qu’on ait écrits ». « L’esprit d’Adolphe est arrivé de l’autre côté de tout. » À côté de ce désabusé, tous les autres paraissent naïfs. On a peur de se trouver seul avec lui. René attire; Adolphe n’excite ni sympathie, ni enthousiasme; « tristesse sèche », « verité dure » du livre. Ni foi, ni espérance, ni idéal. Souffrance personnelle qu’on éprouve à la lecture du livre. Alliance de l’égoïsme et de la sensibilité; l’idée est à la base du roman. Le désespoir moral qui résulte de la lecture d’Adolphe est la moralité du récit: l’homme sensible, égoïste, faible, sans principes.

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Le plus proche de René, c’est Obermann. René et Obermann se ressemblent. Mais ils s’opposent à d’autres points de vue, et voici les principales dissemblances: René discute peu, il écoute le P. Souël; Obermann discute sans cesse, il ne l’écouterait pas. René a des impressions, Obermann, des opinions. « L’un est emporté par la passion du vague », et ce qu’il aime dans le vague, c’est l’immensité; l’autre, « par l’indépendance de la pensée », et c’est la liberté qu’il cherche. La nature enivre René, âme plus tendre. Obermann « cherche à s’agrandir avec la nature », son admiration est plus contemplative. René cherche l’âme sœur au sein de la nature; Obermann n’y cherche que la « force vivante », qui est son seul dieu. Chez René, « la tristesse domine l’ennui »; « Obermann est ennuyé sans être triste. On aime René, on ne doit aucun sentiment à l’autre. »
Au point de vue de l’art, René est un maître-livre; Obermann n’est qu’une suite de pages remarquables. La mise en œuvre n’est pas comparable. Longueurs d’Obermann. Œuvre poétique et séduisante, René peut guérir « quelques-unes des plaies qu’il a ouvertes ». « La rêverie, à tout prendre, vaut mieux encore que la sécheresse d’un scepticisme ergoteur. » (VINET, Études sur la littérature française au XIXe siècle, t. I.)
Il y a là pas mal de réserves à faire. Vinet juge au nom de la morale religieuse, et il dénonce dans Obermann « l’affreuse saveur d’athéisme dont tout le livre est saturé », en ajoutant que non seulement l’athéisme est « mauvais », mais qu’il est « fort laid », et par conséquent fort peu « littéraire ». Passe encore (Vinet va jusqu’à cette concession), pour « l’impiété désespérée, furieuse »; mais, reprend-il « les négations froides et méprisantes de M. de Senancour sont au-dessous de la prose elle-même ». Il est facile de trouver des jugements tout à fait opposés, par exemple dans G. Pellisier, Précis de l’histoire de la littérature française, 5e partie, ch. IV.
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