José de Espronceda (1808-1842), L’Étudiant de Salamanque (1839) – Traduction par Raymond Foulché-Delbosc. | Source
Littérature espagnole
Cervantes
Le roman historique réaliste – Espagne – Italie – Allemagne
En Espagne, Pedro Antonio de Alarcón (1833-1891) donna des Historiettes (1882) nationales, et le court récit Le Tricorne (1874), où revit l’Andalousie du début du siècle; livre resté classique pour sa malice, sa grâce et sa couleur. Le Scandale et Le Fils de la Bola (1875, 1880) sont de bons romans qui complétèrent sa renommée.
Benito Pérez Galdós a laissé plus de quarante volumes d’Épisodes nationaux; dans les deux premières séries (1873-1878) défilent des tableaux de l’histoire espagnole, de 1798 à 1825, très attachants; les trois dernières sont plus faibles. L’ensemble constitue une immense galerie où revivent plus de cinq cents personnages, tantôt roman historique, tantôt histoire romancée.
En Italie, de l’abondant flot de romans historiques de cette période émergent les Confessions d’un octogénaire (1867) de Nievo (1831-1860), beau talent mort trop jeune, où revit avec une poésie nostalgique la vie provinciale du Frioul au début du siècle.
En Allemagne, Joseph Victor Von Scheffel (1826-1886) se fit le chantre de la Souabe rhénane dans un roman en vers, Le Trompette de Säckingen (1854), récit sentimental et malicieux, et dans un roman moyenâgeux en prose, Ekkehard (1855); tous deux sont restés extrêmement populaires.
Theodor Fontane (1819-1898) reprit tardivement l’imitation de Scott en retraçant, depuis 1876, des épisodes de l’histoire de la Prusse sous Napoléon (Avant la tempête, etc.).
Gustav Freytag brossa dans Les Aïeux (1872-1881) une vaste fresque historique nationale.
Tableaux de mœurs
C’est en Espagne encore que débutent ces fictions qui permettent à l’écrivain de tracer un tableau satirique de la société contemporaine. Quevedo (1580-1645), le principal prosateur de son temps, fut journaliste avant les journaux, moraliste, théologien, romancier. Mais son œuvre la plus importante reste les cinq Songes ou Visions (1627). En visitant les Enfers, il y rencontre ses contemporains de tout rang; d’où des tableaux, des satires où se donne libre cours une verve malicieuse et parfois cruelle. Son style, plein de vie et d’imagination, manque de goût: il est conceptiste même dans le burlesque.
Toute une littérature de Visions est née des Songes de Quevedo. Il fut imité de très près par l’Allemand Johann Michael Moscherosch (1601-1669), dont les quatorze Visions de Philander (1642) raillent les mœurs de son temps.
Le Diable boiteux (1641) de Luis Vélez de Guevara (1570-1644) est une description satirique de Madrid et de l’Espagne, telles que le diable Asmodée les montre à l’étudiant Cléofas. Ce livre spirituel, écrit dans un style recherché et difficile, inspira Le Sage, dont Le Diable boiteux (1707) eut le plus grand succès et fut à son tour souvent imité en Espagne et ailleurs. Le Sage garde Asmodée et Cléofas, mais son Madrid, on s’en doute, ressemble à Paris à s’y méprendre.
On peut rattacher à la même veine les deux romans, écrits en latin, de l’Écossais-Lorrain John Barclay (1582-1621): Euphormion (1605-1614) et surtout Argenis (1621), tableau satirique de la France contemporaine, dont le succès fut vif et prolongé, et dont des clefs aidaient à comprendre les allusions; tous deux furent abondamment traduits.
Conte et roman de la Renaissance au 17e siècle – Cervantes
L’Espagne occupe la première place dans le roman pendant toute cette période. Miguel de Cervantes (1547-1616) fut soldat, resta cinq ans en Alger prisonnier des Maures, fut toujours très pauvre et presque constamment malheureux. Il écrivit, pour vivre, force poésies, une trentaine de pièces de théâtre; mais il doit sa gloire à L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche (1605,1615). Le monde entier connaît les inoubliables aventures du Chevalier de la Triste Figure et de son écuyer Sancho Panza. Il s’y ajoute des histoires adventices, comme le Berger amoureux ou les Noces de Gamacho.
Le but initial du roman était de railler le prestige des romans de chevalerie; mais le génie de l’auteur en a fait une œuvre d’une profonde vérité morale, heureuse expression du caractère espagnol, avec son idéalisme mystique et son bon sens avisé; et de l’homme en général, car ses deux héros symbolisent le conflit éternel de l’idéal et de la vie pratique. Cervantes conte avec finesse et avec charme; ce n’est pas un artiste du style, mais dans ce livre, fruit de son arrière-saison, il a mis, avec son expérience de la vie et une bonne humeur que les épreuves n’avaient pu altérer, tant de bonté et d’humanité qu’on l’aime encore plus qu’on ne l’admire. La popularité de Don Quichotte a été, dès sa publication, et est restée immense dans tous les pays. Sans compter le dérivé donquichottisme, l’idéale Dulcinée et la grossière servante Maritome sont devenues chez nous des noms communs.
Cervantes est aussi l’auteur de douze Nouvelles exemplaires (1613), dont plusieurs sont restées célèbres, notamment La petite gitane de Madrid; elles ont contribué à développer la nouvelle moderne.