La Nouvelle Héloïse

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Julie ou la Nouvelle Héloïse, ou Lettres de deux amans habitans d’une petite ville au pied des Alpes, recueillies et publiées par J.-J. Rousseau (Amsterdam, 1761). – Dans ce roman, écrit de 1757 à 1759 à l’Ermitage, en des heures de communion intime avec la nature et d’exaltation sentimentale, Rousseau a peint sous le voile d’une fiction romanesque son amour pour Mme d’Houdetot, son amitié pour Mme d’Epinay, tous les rêves et toutes les aspirations de sa jeunesse. C’est l’histoire d’une nouvelle Héloïse; la jeune Vaudoise Julie d’Etanges, se laisse aller à aimer son précepteur, le mélancolique et fatal Saint-Preux. Celui-ci veut fuir, sentant le danger; mais il est trop tard: Julie, affolée, cède à l’entraînement de la passion. Le baron d’Etanges, irrité, jure que sa fille n’épousera jamais Saint-Preux et lui défend de le voir. Les amants continuent à s’écrire, et la mère de Julie, qui a surpris leurs lettres, meurt en apprenant le déshonneur de sa fille. Julie, désespérée, accepte alors le raisonnable mari qu’on lui destine, M. de Wolmar. Régénérée par le mariage, elle devient une épouse et une mère sans reproche, bien qu’au fond d’elle subsiste le vestige du premier amour. Alors, Wolmar, dans son audacieuse sagesse, imagine de faire revenir Saint-Preux des lointains pays où nous le croyions perdu, et il l’installe à Clarens dans son propre foyer; il a foi en son honneur et en celui de Julie. Les deux amants luttent héroïquement contre les souvenirs du passé: Saint-Preux serait vite vaincu, mais Julie puise dans le sentiment de la maternité et dans la religion les armes nécessaires. Elle est cependant à bout de forces, quand une mort accidentelle vient la délivrer à temps, pleurée à l’envi par son mari, par son ancien amant, par une fidèle amie. Saint-Preux redevient maître d’études: il élèvera les enfants de celle qu’il a tant aimée.

Ce roman épistolaire obtint en son temps un succès considérable. Sujet vraiment romanesque: cœurs aux prises avec les fatalités du sort, aimant et souffrant plus que l’humanité moyenne; enfin, la nature entière, les lacs mélancoliques, les cimes grandioses des Alpes servant de cadre à ce drame intime; style grave et éloquent, qui tranche avec la spirituelle frivolité des conteurs à la mode: tels sont les principaux caractères de ce roman, le plus grand du XVIIIe siècle, et qui ouvre toute la littérature moderne. C’est, de toute son œuvre, celle où Rousseau a mis le plus de sa pensée et de son cœur.

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Les quatre principaux écrivains du 18e siècle

Montesquieu est concis, simple et grand; Voltaire, apte à tout, incapable de se maintenir dans l’excellent, trop léger. Rousseau, orgueilleux, mécontent de tout; Buffon a du génie, de l’esprit, de l’emphase.

Montesquieu avait les formes propres à s’exprimer en peu de mots; il savait faire dire aux petites phrases de grandes choses.

Voltaire, esprit habile, adroit, faisant tout ce qu’il voulait, le faisant bien, le faisant vite, mais incapable de se maintenir dans l’excellent. Il avait le talent de la plaisanterie, mais il n’en avait pas la science. À la fois actif et brillant, il occupait la région placée entre la folie et le bon sens, et il allait perpétuellement de l’un à l’autre. Il avait beaucoup de ce bon sens qui sert à la satire, c’est-à-dire une grande pénétration pour découvrir les maux et les défauts de la société; mais il n’en cherchait point le remède. On eût dit qu’ils n’existaient que pour sa bile ou sa mauvaise humeur: car il en riait ou s’en irritait, sans s’arrêter jamais à les plaindre.

Donner de l’importance, du sérieux, de la hauteur et de la dignité aux passions, voilà ce que J.-J. Rousseau a tenté. Lisez ses livres: la basse envie y parle avec orgueil; l’orgueil s’y donne hardiment pour une vertu; la paresse y prend l’attitude d’une occupation philosophique, et la grossière gourmandise y est fière de ses appétits. Il n’y a point d’écrivain plus propre à rendre le pauvre superbe. On apprend de lui à être mécontent de tout, hors de soi-même.

Buffon a du génie pour l’ensemble, et de l’esprit pour les détails. Mais il y a en lui une emphase cachée, un compas toujours trop ouvert.

Joseph Joubert (1754-1824), Pensées, titre XXIV.

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L’âme du discours

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Tout est bien sortant des mains de l’Auteur des choses; tout dégénère entre les mains de l’homme.

Everything is good when it comes from the hands of the Almighty Creator; everything degenerates in the hands of men.


L’accent est l’âme du discours; il lui donne le sentiment et la vérité.

Accent is the soul of language; it gives to it feeling and truth.


Nous ne savons ce que c’est que bonheur ou malheur absolu. Tout est mêlé dans cette vie, on n’y reste pas deux moments dans le même état. Les affections de nos âmes, ainsi que les modifications de nos corps, sont dans un flux continuel.

We do not know either unalloyed happiness or unmitigated misfortune. Everything in this world is a tangled yarn; we taste nothing in its purity, we do not remain two moments in the same state. Our affections, as well as bodies, are in a perpetual flux.

Jean-Jacques Rousseau, Émile.

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