Corneille

Depuis la première tentative de tragédie classique faite par Jodelle en 1552, ce genre était devenu, grâce surtout à Alexandre Hardy (1570-1632), plus dramatique et plus intéressant pour la foule, mais la composition en était toujours confuse et compliquée. D’ailleurs, l’influence de l’Italie et de l’Espagne se faisait sentir chez tous les écrivains de l’époque et entachait le goût avec les pointes d’esprit, les concetti et la déclamation.

Pierre Corneille (1606-1684), né à Rouen, a été le premier grand poète tragique français. Il fit représenter une comédie, Mélite, en 1629, puis il donna successivement: Cléandre, la Veuve, la Galerie du Palais, etc. Enfin parut le Cid (1636), le premier chef-d’œuvre du théâtre français. Le sujet, emprunté à l’Espagne, n’était pas neuf, mais Corneille y montrait la passion aux prises avec le devoir, et prêtait à ses personnages un langage héroïque et des traits sublimes inconnus jusqu’alors. C’est par le même mérite que brillent surtout les tragédies d’Horace, de Cinna, de Polyeucte, représentées de 1640 à 1643 et qui valurent à l’auteur le surnom de Grand. Les pièces qui suivirent furent moins heureuses.

Tout le théâtre de Corneille a pour caractère essentiel l’héroïsme et l’élévation du sentiment. C’est une véritable école de vertu; les hommes y sont toujours représentés non pas tels qu’ils sont, mais tels qu’ils devraient être.

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Massenet – Le Cid

Corneille chez le savetier

Corneille, ayant dîné certain jour chez un de ses parents, sortit avec lui pour faire un tour de promenade. Ils traversèrent la Seine et gagnèrent la Cité. Arrivé rue de la Parcheminerie, Corneille s’aperçut que sa chaussure était décousue et qu’il n’avait pas d’argent pour acheter des souliers neufs. Il entra alors chez un savetier et s’assit sur une planche pendant que celui-ci recousait sa chaussure.

Le fait fut rapporté à Louis XIV par un témoin, et le roi, ému à la pensée qu’un si grand génie pût être ainsi réduit à la misère, accorda au poète une pension sur sa cassette personnelle.

Pierre Corneille

Hélas! Holà!

Après l’Agésilas,
Hélas!
Mais après l’Attila,
Holà!

Quatrain épigrammatique de Boileau contre deux des plus faibles tragédies de Corneille, que celui-ci composa dans la décadence de son immortel génie. On prétend que le grand tragique prit naïvement cette épigramme pour un éloge. Hélas! prouvait qu’on s’était attendri à l’Agésilas, effectivement conçu dans le genre élégiaque; Holà! était un cri d’admiration pour l’Attila.

On cite ces vers pour faire entendre qu’à une chose mauvaise, dans quelque ordre d’idées que ce soit, en succède une autre plus mauvaise encore; on comprend alors que les mots Agésilas et Attila doivent subir une variante: « Après le discours du père, hélas! Mais après celui du fils, holà! »

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