Atala (1801)

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A l’origine un épisode des Natchez, Chateaubriand l’a remanié avec l’intention de l’englober dans le Génie comme illustration du chapitre Harmonie de la religion chrétienne avec les scènes de la nature. L’auteur l’en a détaché et l’a publié séparément en 1801.

Chateaubriand n’a pas inventé la littérature exotique qui était très en vogue depuis les récits de voyage au XVIIIème siècle. Il n’a même pas visité toutes les régions qu’il décrit : il se sert des rapports de naturalistes ou des récits de voyageurs. Mais, il y a mis toute son âme avec un vocabulaire splendide et une harmonie des sonorités qui donnent une nouvelle dimension à la prose française.

La tribu des Natchez vit en Louisiane, sur les rives du Meschacebé, et accueille le Français René qui est venu en Louisiane pour oublier des chagrins personnels.

Le vieux Chactas raconte à René les aventures de sa jeunesse.

A 20 ans, Chactas est fait prisonnier par une tribu ennemie. Il y rencontre une jeune Indienne, élevée dans la religion chrétienne, Atala. Celle-ci vient le consoler et l’aide à s’enfuir.

Lors d’une fuite, ils rencontrent le Père Aubry, un missionnaire. Il veut convertir Chactas et l’unir à Atala. Or, ceci est impossible parce qu’elle a été consacrée par sa mère à la Vierge.

Pour ne pas succomber à son amour pour Chactas, Atala s’empoisonne et meurt.

Extrait

Les deux rives du Meschacebé présentent le plateau le plus extraordinaire. Sur le bord occidental, des savanes se déroulent à perte de vue; leurs flots de verdure, en s’éloignant, semblent monter dans l’azur du ciel, où ils s’évanouissent. On voit dans ces prairies sans bornes errer à l’aventure des troupeaux de trois ou quatre mille buffles sauvages. Quelquefois un bison chargé d’années, fendant les flots à la nage, se vient coucher, parmi de hautes herbes, dans une île du Meschacebé. A son front orné de deux croissants, à sa barbe antique et limoneuse, vous le prendriez pour le dieu du fleuve, qui jette un oeil satisfait sur la grandeur de ses ondes et la sauvage abondance de ses rives.

Telle est la scène sur le bord occidental; mais elle change sur le bord opposé, et forme avec la première un admirable contraste. Suspendus sur le cours des eaux, groupés sur les rochers et sur les montagnes, dispersés dans les vallées, des arbres de toutes les formes, de toutes les couleurs, de tous les parfums, se mêlent, croissent ensemble, montent dans les airs à des hauteurs qui fatiguent les regards. Les vignes sauvages, les bignonias, les coloquintes s’entrelacent au pied de ces arbres, escaladent leurs rameaux, grimpent à l’extrémité des branches, s’élancent de l’érable au tulipier à l’alcée, en formant mille grottes, mille voûtes, mille portiques. Souvent égarées d’arbre en arbre, ces lianes traversent des bras de rivières, sur lesquelles elles jettent des ponts de fleurs. Du sein de ces massifs, le magnolia élève son cône immobile; surmonté de ses larges roses blanches, il domine toute la forêt, et n’a d’autre rival que le palmier, qui balance légèrement auprès de lui ses éventails de verdure.

Une multitude d’animaux placés dans ces retraites par la main du Créateur y répandent l’enchantement et la vie. De l’extrémité des avenues on aperçoit des ours enivrés de raisins, qui chancellent sur les branches des ormeaux; des caribous se baignent dans un lac; des écureuils noirs se jouent dans l’épaisseur des feuillages; des oiseaux- moqueurs, des colombes de Virginie, de la grosseur d’un passereau, descendent sur les gazons rougis par les fraises; des perroquets verts à tête jaune, des piverts empourprés, des cardinaux de feu grimpent en circulant au haut des cyprès; des colibris étincellent sur le jasmin des Florides, et des serpents-oiseleurs sifflent suspendus aux dômes des bois en s’y balançant comme des lianes.

Si tout est silence et repos dans les savanes de l’autre côté du fleuve, tout ici, au contraire, est mouvement et murmure : des coups de bec contre le tronc des chênes, des froissements d’animaux qui marchent, broutent ou broient entre leurs dents les noyaux des fruits; des bruissements d’ondes, de faibles gémissements, de sourds meuglements, de doux roucoulements remplissent ces déserts d’une tendre et sauvage harmonie. Mais quand une brise vient à animer ces solitudes, à balancer ces corps flottants, à confondre ces masses de blanc, d’azur, de vert, de rose; à mêler toutes les couleurs, à réunir tous les murmures : alors il sort de tels bruits du fond des forêts, il se passe de telles choses aux yeux, que j’essayerais en vain de les décrire à ceux qui n’ont point parcouru ces champs primitifs de la nature.

Vocabulaire

le dieu du fleuve : dans l’antiquité, le dieu du fleuve est représenté avec un front orné de cornes
les bignonias : une sorte de liane
les coloquintes : un genre de concombre à fleurs jaunes
le tulipier : espèce de grand magnolia
l’alcée : rose trémière
les cardinaux : oiseaux au plumage rouge


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